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Louis Ferdinand Céline

 

 

Céline et son œuvre (1894 – 1961)

 

 

Malgré les controverses, l'auteur reste un des écrivains français les plus traduits et diffusés dans le monde.

 

Louis Ferdinand Auguste Destouches, plus connu sous le nom de Louis-Ferdinand Céline ou Céline (prénom de sa grand-mère), naît le 27 mai 1894 à Courbevoie. 

Ses parents s’installent à Paris dans le quartier de l’Opéra. Encore adolescent, sa formation scolaire ne lui permet d’occuper que quelques petits emplois. En 1912, devançant l’appel, il s’engage dans l’armée française, il a alors 18 ans. Il gardera de la Grande Guerre un souvenir douloureux. Il rentre chez lui, paré au revers du veston de la Croix de guerre et la Médaille militaire, mais il laisse dans la boue des tranchées ses illusions sur l’humanité et développe un profond pessimisme qui va marquer son œuvre.

Il épouse Édith Follet et passe son baccalauréat en 1919 en candidat libre. Il entreprend alors des études de médecine jusqu’en 1924.

On l’envoie en tant que médecin, dans plusieurs pays d’Afrique coloniale et en Amérique où il participe à la lutte contre la tuberculose.

En 1926, à Genève, il rencontre la danseuse américaine Elizabeth Craig qui sera l’amour de sa vie, mais l’histoire restera sans lendemain.

 

En 1932 Céline écrit l’œuvre majeure de sa carrière d’écrivain. (Le livre bénéficie d’un traitement à part en fin de chronique.)

 

 Mort à crédit – 1936

 

“Ah ! s’amuser avec sa mort tout pendant qu’il la fabrique, ça, c’est tout l’homme Ferdinand !”

Le deuxième grand roman de Céline s’inscrit chronologiquement au début de la biographie romancée de l’auteur. Il paraît en 1936, de nombreux épisodes de son enfance formeront les chapitres du livre. Le passage Choiseul est décrit comme “sa cloche à gaz”, en raison de l’éclairage de la galerie par des becs de gaz. Sa mère y tient un magasin ou elle vend des dentelles et d’autres curiosités. Le père maussade et violent n’accorde pas grand intérêt à ce fils unique.

 “Ce qui me taquinait chez eux, c’était de foutre en l’air le pot de colle, toujours en branle sur le réchaud. Un jour je me suis décidé. Mon père en apprenant ça, il a prévenu tout de suite Maman, que je l’étranglerais un jour, que c’était bien dans mes tendances. Il voyait tout ça”.

L’empreinte matriarcale marque ce récit. Il grandit comme il peut, sous les reproches et les réprimandes de ses parents. C’est sa grand-mère intuitive et délicate qui lui apportera l’affection et des bases précieuses d’éducations.

L’humour et l’émotion se bousculent dans le style si particulier de son précédent livre, truculent et dévastateur. Après le succès commercial du “voyage” le roman sera un relatif échec.

 

 Les pamphlets -

 

Céline avec trois de ces ouvrages aura commis l’irréparable, quatre titres composent les pamphlets ;

 

 Mea culpa -1936-

 

Le texte d’une trentaine de pages est le seul, selon la volonté de l’auteur, à avoir pu être réédité ; il n’évoque qu’un sujet : le communisme ; Céline à la suite d’un voyage

en URSS, entreprend dans son ouvrage un virulent réquisitoire contre ce système totalitaire. Aucun propos antisémite ne figure dans le livre.

Le 15 décembre 2017, Lucette Destouches, la veuve de l’auteur, qui faisait respecter jusqu’alors la volonté de Céline de ne pas rééditer ses pamphlets autorise leur réimpression. Les 3 pamphlets avaient été interdits, après-guerre pour cause d’antisémitisme aggravé et de provocation à la haine raciale. À l’âge de 106 ans elle a, semble-t-il, donné son accord sous le poids des dettes, et des dépenses que nécessitait son état de santé.

 

 Bagatelles pour un massacre – 1937-

 

C’est le second ouvrage de la série des pamphlets, le livre laisse éclater la haine de Céline envers les juifs. Un mélange de ressentiments anciens et de préjugés distille un fiel qui empoisonne une grande partie de l’ouvrage. L’auteur entre des hoquets de haine antisémite aborde différents sujets, la littérature, le cinéma, l’alcoolisme, tous responsables selon lui de la décadence de la France des années 30.

Après le succès du “Voyage au bout de la nuit”, l’échec de “Mort à crédit” a laissé un amer ressentiment. L’antisémitisme s’inscrit dans l’air du temps, Céline espère sans doute renouer avec le succès. Alors médecin, dans une lettre adressée au docteur W. Strauss il annonce : “Je viens de publier un livre abominablement antisémite, je vous l’envoie. Je suis l’ennemi n° 1 des juifs”. L’ouvrage, effectivement emportera un vrai succès d’édition, Denoël le rééditera à deux reprises pendant la guerre en 1942 et 1943.

 

 L’école des cadavres – 1938 –

 

“L’homme vous haïra toujours finalement, pour l’avoir mené par sa tripe, par son plus bas morceau. L’Homme veut être considéré, caressé, persécuté, pour son rêve, rien que pour son rêve ! Toutes les dialectiques sophistiqueries matérialistes ne sont que tout autant de gaffes grossières, apologies tarabiscotées de la merde, très maladroites. Rien de bandocheur. Rien qui délivre, qui allègre, rien qui fasse danser l’homme.”

Entre deux prouesses stylistiques Céline ressasse sa haine et révèle ses admirations suspectes :

“Je me sens très ami d’Hitler, très ami de tous les Allemands, je trouve que ce sont des frères, qu’ils ont bien raison d’être si racistes. Ça me ferait énormément de peine si jamais, ils étaient battus. Je trouve que nos vrais ennemis c’est les Juifs et les francs-maçons” 

 

 Les beaux draps – 1941

 

Lorsque la Seconde Guerre éclate l’antisémitisme viscéral de Céline le plonge dans le bourbier de la collaboration. Il se rapproche des figures de l’extrême droite française et adresse quelques courriers aux journaux collaborationnistes.

 

“La religion catholique fondée par douze juifs aura fièrement joué tout son rôle lorsque nous aurons disparu, sous les flots de l’énorme tourbe, du géant lupanar asiate qui se prépare à l’horizon.”

Dans Les beaux draps, entre quelques convulsions antisémites, l’auteur se montre visionnaire et annonce les 35 heures et la société de spectacle.

 

Guignols band – 1944.

 

Le livre est publié dans l’urgence avant la libération.

“Lecteurs amis, moins amis, ennemis, critiques ! me voilà encore des histoires avec ce Guignol's livre I ! Ne me jugez point de sitôt ! Attendez un petit peu la suite ! le livre II ! le livre III ! tout s’éclaire ! se développe, s’arrange ! Il vous manque tel quel les 3/4 ! Est-ce une façon ? Il a fallu imprimer vite because les circonstances si graves qu’on ne sait, ni qui vit ni qui meurt ! Denoël ? vous ? moi ?... J’étais parti pour 1200 pages ! Rendez-vous compte ! ”

Céline craignant des représailles prépare en hâte ses valises pour le Danemark.

Dans ce roman l’auteur innove encore dans la recherche d’une nouvelle écriture. Le récit est sans doute le plus drôle de l’œuvre de Céline.

 

Casse-pipe – 1949

 

Le manuscrit original a été détruit dans les bombardements de 1944. Le texte est incomplet, et l’on ignore la part de la participation de l’auteur.

Bardamu laisse place à Ferdinand soldat au 17e régiment de cuirassier. Le livre raconte les souvenirs désabusés du jeune soldat.

“C’était le brigadier Le Meheu qui tenait le fond du corps de garde, les coudes sur la table, contre l’abat-jour. Il ronflait. Je lui voyais de loin les petites moustaches aux reflets de la veilleuse. Son casque lui cachait les yeux. Le poids lui faisait crouler la tête... Il relevait encore... Il se défendait du roupillon... L’heure venait juste de sonner...”

 

Féérie pour une autre fois -1952

 

Le livre est en partie rédigé en prison à Copenhague, les autorités danoises le retiennent n’ignorant pas le sort qui l’attend s'il était rendu à la France. L’écrivain en 1951 bénéficie d’une amnistie de la part du gouvernement français il rentre dans son pays où son livre sera publié en 1952. Le récit expose différents souvenirs qui jalonnent la vie de l’auteur. L’auteur tente de retrouver les grâces du public. L’ouvrage où pourtant la prose de Céline est au meilleur de sa forme sera un échec d’édition.

“Et puis Bébert, autre innocent, mon chat... Vous direz un chat c’est une peau ! Pas du tout ! Un chat, c’est l’ensorcellement même, le tact en ondes... c’est tout en “brrt”, “brrt” de paroles... Bébert en “brrt” il causait, positivement. Il vous répondait aux questions...”

 

 D’un château l’autre- 1957

 

“Croyez-moi, ce n’est pas par vocation que je me suis retrouvé à Sigmaringen. Mais on voulait m’étriper à Paris parce que je représentais l’antijuif, le fasciste, le salaud, l’ordure, le prophète du mal. Donc je me suis retrouvé en compagnie de 1142 condamnés à mort, français, dans un petit bled allemand. Ça valait le coup d’œil. Une cellule de 1142 types qui crèvent de rage, cernés par la mort, on ne voit pas ça tous les jours.”

 

Il faut attendre l’année 1957 pour que l’auteur réapparaisse vraiment sur la scène littéraire. Le livre raconte la déroute et l’exil du gouvernement de Vichy. Il dépeint le défilé grotesque et tragique des personnages de la collaboration, transportés à la fin de la Seconde Guerre, de château en château dans l’Allemagne de la défaite ; la critique est plutôt enthousiaste.

 

Nord – 1960

 

Ce roman sera le dernier publié du vivant de l’auteur, c’est le deuxième volet intercalé entre “D’un château l’autre” et ‘Rigodon’, d’un ensemble que l’on a nommé la trilogie allemande.

 

Céline décède en 1961 d’une rupture d’anévrisme.

Le pont de Londres -1964, et Rigodon – 1969 sortiront à titre posthume.

 

Voyage au bout de la nuit – 1932 –

 

J’aimerais laisser le lecteur sur une impression positive (c’est un parti pris que je m’efforce d’adopter moi-même), c’est pourquoi j’ai voulu aborder en dernier chapitre l’œuvre majeure et emblématique de Céline.

 

 

Le livre qui paraît en 1932, lui vaut le prix Renaudot et le propulse au rang des auteurs reconnus. Il entame l’œuvre biographique et romanesque de l’auteur. Il fit, à sa parution l’effet d’une bombe dans le paysage littéraire, laissant critiques et lecteurs abasourdis d’admiration ou de détestation. Il faisait voler en éclat les règles académiques et ne pouvait laisser personne indifférent. Comme Baudelaire le fit pour son art, Céline invente un nouveau genre. Avec son alter ego Bardamu, un personnage romanesque d’un type nouveau apparaît : Le Héros-narrateur. L’écriture corrosive de ce premier roman brûle le papier. Dans un langage oral, teinté d’argot parisien revisité à sa manière, Céline fait grincer dans chaque chapitre ses rancœurs et sa révolte. Les phrases comme des messages télégraphiques défilent sur un rythme cahotant dans un décor chaotique. Dans une syntaxe désarticulée et syncopée, Céline expose au grand jour ses obsessions et ses phantasmes. Les cinq cents pages du roman peinent à contenir les nombreux évènements qui illustrent le livre. Chaque chapitre pourrait servir de synopsis à un nouvel ouvrage. Ce livre haletant, excessif et fulgurant, annonce une totale révolution du langage narratif, dans les lettres françaises. Tout le talent de l’auteur s’exprime dans ce récit social et intime, sublime et trivial. Son écriture est ciselée à la perfection comme un diadème posé sur un sommet de la littérature française, sombre et lumineux, brutal et précieux. Le livre rebute de nombreux lecteurs qui ne veulent pas se prêter au jeu iconoclaste de l’auteur. Cette œuvre d’une grande humanité, discrète et magnifique, reste souvent mal comprise.

 

 

 

 

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