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Extrait I - Patmos, La caverne -

Patmos (81-96)

La caverne

 

Le temps n’a pas adouci l’amertume de mon exil, ici, les jours s’égrènent comme les perles d’un chapelet de douleur. L’île qui me retient prisonnier a refréné peu à peu l’élan qui m’animait naguère. Le paysage reste figé sur un tableau de couleurs vives, mais languissantes. Les roches brunes, les carrés de verdure et, au-delà, l’étendue de la mer émeraude se diluent dans le gris de ma mélancolie.

Mon refuge est taillé dans une masse de granit, les arbustes qui subsistent dans ce décor de pierre cachent à peine l’entrée. L’accès difficile qui mène à cette corniche me préserve des hommes. L’altitude en diminuant les formes trouble les détails et rend leur taille insignifiante. La vallée qui s’étale au pied de la montagne abrite un village ; perdu dans mes hauteurs je surplombe mes semblables. Je reste là, reclus dans une interminable attente. Un amas de roches grises dresse les murs d’une vaste prison, et la mer l’enserre comme une fosse infinie qui s’en va rejoindre l’horizon. Ma grotte est la tour de cette forteresse. […]

 

[…] Le jour va bientôt se lever, mes yeux restent mi-clos, consumés de fatigue. Je n’ai pas encore trouvé le sommeil ; la fièvre qui brûle mon esprit glace mes os. Un faible éclairage diluer lentement l’obscurité environnante. Peu à peu, l’embrasure de la caverne émerge dans un cercle bleu de nuit qui va s’éclaircissant lentement puiis se transforme en lucarne rougeoyante. L’incendie du jour naissant se consume dans ce cratère ardent. La lumière attiédie par la pénombre de la grotte caresse la paroi qui m’entoure, mon esprit s’égare dans l’éclairage d’un monde nouveau.

Le ciel a lavé dans la mer où Icare, jadis, s’est noyé, sa robe sombre étoilée. La clarté venue de l’orient a chassé les génies des ténèbres. Un paysage éteint ressuscite et sort des torpeurs nocturnes. Un cortège de moutons rose et gris défile à l’horizon sur un champ brûlant de lave orangée. L’aurore, de ses longs doigts de feu, écarte imperceptiblement le rideau noir de la nuit. […]

 

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